Weart225 : à base de popopopop!
Weart225. We, art, we are… tous des artistes en puissance, chacun à notre façon, pour peu que nous nous donnions la peine d’habiter réellement le monde avec notre regard et de nous ouvrir à ses beautés. 225, indicatif de la Côte d’Ivoire : la terre qui a accueilli Wissam Sayegh lorsqu’il avait à peine 3 mois, et une source d’inspiration continue pour l’artiste digital qui se cache derrière ce pseudo.
Singulier parcours que celui de Wissam. Né au Liban pendant la guerre, Ivoirien d’adoption et de cœur passé par la France et l’Angleterre une fois sa maîtrise de commerce international et marketing en poche, il rentre au pays après un début de carrière européen qui ne le convainc pas.
À des années-lumière du poste qu’il occupe actuellement à la ville, l’écriture qu’il développe depuis une dizaine d’années raconte sa reconnexion avec l’enfant intérieur; vous savez, celui que l’on a souvent tendance à négliger quand on laisse le quotidien et la société nous prendre dans leur étau… C’est à cette innocence originelle, à son émerveillement spontané devant toute chose et aux valeurs du vivre ensemble que le travail de Wissam rend hommage, à travers une galerie de personnages de BD et de dessins animés, musiciens et figures artistiques, politiques et culturelles dont l’aura continue d’imprégner l’inconscient collectif. Mises en avant dans une réinterprétation néo-pop, ces icônes rencontrent un succès croissant, de Dubaï à Beyrouth en passant par Abu Dhabi, et maintenant Abidjan (en dehors de ses créations, Weart225 peut aussi mettre sa créativité au service du client, en proposant des tableaux personnalisables). Dans les multiples expressions de cet imaginaire fécond déployé en aplats de couleurs acidulées sur des planches graphiques et imprimé en très haute résolution sur des panneaux d’aluminium ou des canevas grand format (110 x 110 cm/120 x 90 cm), on croise bien du beau monde : John Lennon y côtoie Socrate, Albator y assume son androgynie, Jimi Hendrix y arbore fièrement son héritage Cherokee, le Che s’y adonne à du détournement haute couture («Chenel») sous le facétieux pinceau numérique de l’artiste – qui compose et joue aussi beaucoup avec les mots –, Mohammed Ali y livre combat avec Daffy Duck, la Panthère rose s’y prélasse en compagnie d’odalisques alanguies, Clint Eastwood y incarne un joker désarmé, Napoléon Bonaparte y franchit le Grand-Saint-Bernard secondé par un Mickey hilare, Picsou s’y fait la malle avec le pactole de la BCEAO, Alice se barre du pays des merveilles… À leurs côtés, on trouve entre autres Betty Boop, Tintin, Son Goku, Lucky Luke et les Dalton, Louis de Funès, Jacques Chirac, Donald et Charlie Chaplin, Goldorack, Frida Kahlo, Bruce Lee, Michael Jackson, les grands Nelson Mandela, Patrice Lumumba, Thomas Sankara et Félix Houphouët-Boigny, ou encore les emblèmes des droits civiques Malcom X et Nina Simone. Et bien sûr le Petit Prince, l’un des personnages favoris de Wissam, qui s’invite sur plusieurs toiles, ses cheveux d’ange coiffés de la couronne de Jean-Michel Basquiat. Grand inconditionnel du peintre américain et de son binôme Andy Warhol, Wissam Sayegh compose une œuvre non dénuée d’humour aux allures d’encyclopédie visuelle de la pop culture. Un catalogue de ses affinités personnelles, corpus à la fois fragmenté et cohérent, qui s’apparente à une sorte de langue secrète s’édictant de tableau en tableau dans une syntaxe stylistique propre (mix média, collages, tags et graffitis…). Ses toiles s’observent et se lisent comme on se lance dans une chasse au trésor, et leur séduction spontanée tient peut-être aussi au fait qu’indépendamment de leur qualité, elles réactivent en chacun de nous une part d’innocence et de joie pure associée au temps heureux de l’enfance… .
Ig : weart225.
Par E. Vermeil
Publié en mars 2022