LES CHRONIQUES DE ZEBRA ZOUM : Bonnes vacances !
« Finis ton bol, tu vas être en retard ! Mets tes chaussures ! Tu as ton masque ? Où sont tes lunettes ? Dépêche-toi ! Si tu n’es pas prêt(e), tu vas marcher pour aller à l’école hein ! Tu me connais, non ? »
Enfin ! Voici venu le temps des vacances… tant attendu par les enfants et enseignants. Les livres sont vendus et les cahiers rangés. Le stress des examens est passé, tout comme les spectacles de fin d’année avec les chorégraphies maladroites et attendrissantes de notre progéniture. Les galeries de nos téléphones sont remplies de ces souvenirs dont nous ne ferons rien, mais qu’il est impensable de supprimer…
Passés les premiers moments de soulagement, où pendant quelques mois nous n’aurons pas à braver les embouteillages d’Abidjan ni à houspiller les enfants des gens, il faut maintenant les occuper. Voici le moment tant redouté par les parents : « Je m’ennuiiiiiiiiie !». L’équation insoluble, à plusieurs inconnues. Temps d’écran. Budget. Voyage. Visa. Vaccin. Jours de congés à poser. Activités. Wifi.
Roadtrip vers le village ou on cale à Abidjan ? Colonie de vacances ou centre aéré ? Coding ou club de foot ? Soirées pyjamas ou joyeuses cousinades ? Airbnb ou Booking.com ? Dilemme. Est-ce qu’on est obligé de voyager même ? Ou de s’imposer la logistique de déposer les enfants à leurs diverses activités ?
Heureusement, il y a toujours des amies bien intentionnées pour nous rappeler les bienfaits de l’ennui. « Tu te souviens nos grandes vacances à lire la Comtesse de Ségur, à jouer au Ludo ou à l’awalé sur la terrasse des parents ? Et quand notre seule sortie de la semaine consistait à aller louer des VHS au vidéoclub ? Et quand on essayait de décrypter les paroles des chansons de rap en mettant le lecteur-cassette sur pause ? On s’ennuyait, mais c’était trop chic !»
Nostalgie d’un temps passé où avec un vélo, un élastique et deux piécettes, le bonheur était assuré pour toute la maisonnée : jeux simples suivis de bouillie de mil, pets-de-nonne ou gari délayé avec des cacahuètes… Dire qu’avec la guerre en Ukraine et la pénurie annoncée de blé et d’huile, même nos précieux beignets d’enfance semblent menacés !
Peu importe, le désœuvrement a, semble-t-il, de nombreuses vertus. Une étude de 2014 menée par Sandi Mann et Rebekah Cadman de l’University of Central Lancashire suggère que l’ennui peut avoir des résultats positifs, notamment une créativité accrue. Cette étude a examiné la relation entre l’ennui et le potentiel créatif sur une série de tâches. Dans l’un des tests, 80 participants ont pris part à une activité d’écriture ennuyeuse ou non (groupe témoin), suivie d’une tâche créative. Le groupe devait recopier à la main des séries de chiffres puis lister tous les usages possibles de deux gobelets en polystyrène. Les participants ayant pris part à la tâche rébarbative avaient eu plus d’idées que le groupe témoin ne s’étant pas ennuyé, ce qui révèlerait que les activités ennuyeuses entraînent une créativité accrue.
L’ennui a toujours été associé à des sentiments négatifs, tant à l’école que sur le lieu de travail, alors qu’il a sa fonction dans la construction du cerveau et la maturation des émotions… Ainsi cette année, et si nous nous laissions le luxe de l’ennui ? Parce que nous tous on sait que les vacances, ça n’existe pas pour les parents ! Ils s’occupent simplement de leurs enfants dans une autre ville… ou ils les empêchent de s’ennuyer, à la maison, au village, ou à l’hôtel !
Par ZebraZoum
Publié en juillet 2022