Retour, Restitution et Révélation
Au Ghana, 2019 était l’année du retour pour les populations afro descendantes, marquant les 400 ans de la déportation des premiers esclaves vers les Amériques. Le gouvernement ghanéen souhaitait attirer 500 000 visiteurs de plus cette année-là et faire du pays une destination clé pour la diaspora et la population afro-américaine.
L’initiative n’était pas nouvelle. En 1957, le président Kwame Nkrumah avait déjà fait d’Accra une plaque tournante culturelle, politique et idéologique, en y conviant entre autres célébrités, le pasteur Martin Luther King, l’activiste Malcom X, le boxeur Mohamed Ali, l’historien et sociologue W.E.B. Du Bois, ou encore l’écrivaine Maya Angelou… Quelques années plus tard, lasses des tensions raciales aux États-Unis, l’artiste Nina Simone s’établira au Ghana puis au Liberia.
Year of Return ? Attrait du Festival de musique Afro nation ? Black lives matter ? ? Escapade loin des terres gelées ou confinées ? Toujours est-il que récemment, de nombreux influenceurs ont mis en lumière des destinations africaines, méconnues ou oubliées. Sur Instagram, @Sally partage son périple glamour et métissé via le documentaire « Motherland », Sandy @Abenafrica visite avec humour et authenticité 10 pays africains en 10 mois, tandis que @ Parisianavores offre avec gourmandise les bons plans d’un récent voyage au Sénégal…
Tout ceci nous a donné l’envie de redécouvrir quelques destinations à une heure d’avion d’Abidjan :
Accra l’industrieuse, avec sa bulle immobilière, ses magnifiques immeubles résidentiels, beach clubs et rooftop-bars qui lui donnent désormais un air d’Asie du Sud-Est…
Lomé et son Palais éclatant de blancheur, au milieu des nénuphars et de son jardin arboré. L’ancienne demeure des gouverneurs, l’ancienne Primature mitraillée, veut faire oublier son passé douloureux. Pari tenu !
Ouidah l’indolente, au sein de l’ancien Royaume Xwéda, avec ses bâtisses afro-brésiliennes écrasées de soleil, étonnamment fraîches et aérées. Le fort portugais. Le marché aux esclaves. L’arbre de l’Oubli. Les récits glaçants sur la traite négrière.
Ouidah l’indolente, au sein de l’ancien Royaume Xwéda, avec ses bâtisses afro-brésiliennes écrasées de soleil, étonnamment fraîches et aérées. Le fort portugais. Le marché aux esclaves. L’arbre de l’Oubli. Les récits glaçants sur la traite négrière.
Le grand challenge a consisté à expliquer aux enfants la diabolisation de cette religion ancestrale, qui ne fait pas l’apologie du mal et ne prône ni mauvais sort ni sacrifice humain… Avec mes connaissances rudimentaires, leur conter la mythologie des orishas, aussi riche que les divinités grecques ou romaines : Ogun, dieu de la guerre et du feu, Hêviosso, dieu du tonnerre, Mami Watta, déesse de la mer à queue de poisson, parfois représentée comme un dieu masculin à 3 têtes…
Pour se remettre de ses émotions, Ouidah et ses environs offrent au voyageur qui prend la peine de chercher, de magnifiques écrins de tranquillité. Le Spa Karité et son gommage aux agrumes, au milieu des palétuviers. Airbnb sur pilotis perdu dans la mangrove. Balades à pirogue sur le lac Ahémé ou en 4×4 sur la Route des Pêches.
Cap sur Cotonou et le Palais présidentiel, où se tient jusqu’au 22 mai 2022 l’exposition « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation ». Sur plus de 2000 mètres carrés, sont exposés pour la première fois les 26 trésors du Royaume du Dahomey qui avaient été pillés par les troupes coloniales françaises en 1892. En novembre 2021, après de longues années de négociations et de travail, ces œuvres ont été restituées au Bénin par la France et les collectionneurs privés.
C’est une chose de lire et d’entendre les histoires racontées par les parents sur la colonisation. Cela en est une autre de voir l’immensité des trônes, la taille des portes des palais, l’ouvrage raffiné des artisans de l’époque, la précision du travail et la préciosité des matériaux. Et de constater une fois de plus, émue, impuissante et enragée, qu’un travail méthodique et systématique d’éradication de nos joyaux, de notre mémoire, de notre langue, de nos religions et de notre civilisation a duré des siècles.
Je finirais sur une note amère si les principaux lieux à faire découvrir à mes enfants n’étaient que des vestiges de l’esclavage ou de la colonisation. Heureusement, la jeunesse de nos pays, résiliente et créative en diable, a ses propres trésors inépuisables à offrir. Au Ghana, au Togo ou au Bénin, les expositions d’art contemporain de la galerie ADA à Villaggio Vista, de la Fondation Zinsou à Ouidah, du Palais de Lomé ou du Palais de la Marina témoignent de la vibrance de notre sève artistique. La Côte d’Ivoire n’est pas en reste vu le succès des œuvres présentées par la Galerie LouisSimoneGuirandou à Paris lors de la récente foire 1-54 (Un continent pour 54 pays).
Œuvres lumineuses ou colorées, qui nous interloquent et nous interpellent. Malgré les tracasseries douanières, l’inconfort relatif du voyage, les dates et statistiques contradictoires de la traite des Noirs, les effrois du vaudou, les stigmates du colon, le retour au pays a eu lieu.
Éblouissement et Émotion. L’année du Retour. Restitution et Révélation.
Par Zebra Zoum
Publié en mai 2022