Cocoaïans… la révolution à venir – Partie 1
Tu n’as pas besoin de plus d’une requête Google pour savoir que le chocolat vient d’Amérique, dans une bande qui part du Mexique actuel jusqu’au Pérou ancien. Techniquement, le brevet d’invention est détenu par les Olmèques qui l’ont transmis à leurs remplaçants les Mayas qui l’ont légué à leurs remplaçants les Aztèques qui l’ont abandonné à leurs remplaçants… les Mars, Nestlé, Lindt, Ferrero, Cadbury, Meiji, etc
Avant d’être le parfum que l’on connaît (oui, on peut dire parfum pour un goût, demande au vendeur de glaces), les Mayas le considéraient comme la boisson des dieux. Je les soupçonne d’avoir eu un usage du chocolat bien différent de celui du goûter d’enfants… mais on reviendra dessus plus tard. Pour les Aztèques, le cacao, la fève qui donne le chocolat, était carrément la monnaie de leur système économique.
Dans son livre de bord, le pirate Christophe Colomb rapporte qu’au moment où il s’en retournait dans son Europe prédatrice, ses hôtes aztèques lui ont donné un sac entier de fèves de cacao. Ils payaient ainsi par avance les cadeaux qu’il était censé leur rapporter à son retour. Mais l’autre forban, seulement intéressé par l’or et l’argent, s’est dit que c’était des crottes de biques. Il les a jetés par-dessus bord à peine les voiles levées.
Heureusement, les flibustiers qui ont remplacé le fripon Colomb ont compris ce que c’était. Le monde d’aujourd’hui aurait carrément un autre visage s’il n’y avait pas le chocolat. On peut donc remercier, surtout nous les Ivoiriens, les scélérats, les racailles sans foi ni loi, les spoliateurs, sanguinaires, crapules, brigands, voyous, voraces, rapaces, âpres au gain, racistes, etc. (non, je n’exagère point, c’est historique) qui ont fait de la conquête de l’Amérique cette grande réussite capitaliste.
La culture du cacao nous a été imposée dans le cadre d’un projet capitaliste aussi grand que celui de l’Amérique : la colonisation. Nous, la Côte d’Ivoire, l’avons tant et si bien adoptée et adaptée qu’un Olmèque se retournerait dans son sarcophage vieux de 4000 ans si on lui disait que le premier producteur de cacao au monde est un pays de l’autre côté de l’Atlantique où cette plante n’existait pas il y a 130 ans.
Seulement voilà, les primitifs (dans le sens de ceux qui étaient là avant), ont compris qu’un produit n’a la valeur que de ce qu’on en fait, pas nous. De même que le diamant ne vaut que par le bijou, l’hévéa par le pneumatique ou le manganèse par l’aluminium, le cacao ne vaut que par le chocolat.
Et quand la fabrication de chocolat est l’exclusivité de ceux qui ont remplacé les Aztèques (regarde le chapitre au-dessus, stp), on peut affirmer que ceux qui ne se contentent que de produire du cacao travaillent pour une chose presque sans valeur. Je dis « presque » parce que quand même, il ne faut pas jeter le bébé avec le purgeoir¹.
Avec les fèves de cacao, on a quand même réussi à bâtir une nation qui est un pôle de développement sous-régional alors qu’elles ne représentent pas plus de 5 % du flux financier mondial du… chocolat. Tu vois toi-même, cher Babinaute², qu’on parlerait d’autre chose, si on était dans le chocolat.
Il ne faut être ni prophète ni génie pour comprendre cela, d’autant plus que le processus de fabrication du chocolat est hyper simple. Je vous ai dit, les Olmèques l’on inventé à une époque où il n’existait aucun microprocesseur. Alors pourquoi nous on le fait pas ? Mystère et boule de gomme. Les Mayas utilisaient le chocolat comme une drogue qui les mettait dans un état de transe, raison pour laquelle il le qualifiait de boisson des dieux. Peut-être que ce sont eux qui ont jeté un sort à nos dirigeants qui continuent de vendre des fèves alors qu’ils savent que c’est la liqueur et la poudre de cacao la vraie matière première du chocolat.
En attendant que nos chefs sortent de leur transe aveuglante, des citoyens se sont unis sous la bannière des Cocoaïans pour produire leur propre cacao à partir duquel ils font leur propre chocolat made in Côte d’Ivoire. Alain Kablan Porquet est le porteur de l’initiative et l’inventeur du néologisme qui a dicté mon dernier livre éponyme³.
Il est aussi le fils du poète et dramaturge Niangoran Porquet, inventeur d’un autre néologisme qui a connu un destin mouvementé : ivoirité. Lui-même mélange de Peuls4 et de Nzima5 , Niangoran Porquet s’était inspiré de la « sénégalité » de Senghor pour réfléchir sur ce qu’étaient les éléments qui caractérisaient la nation ivoirienne.
Parmi eux, la culture du cacao est la monnaie aztèque à l’origine de toute la richesse du pays. Le fils pousse la logique jusqu’au chocolat. Je reviendrai le mois prochain vous expliquer comment cela est révolutionnaire.
¹Il ne faut pas jeter les mauvaises choses (le purgeoir) en ignorant leurs côtés positifs (le bébé).
²Babi est un vaisseau spatial spécial.
³Cocoaïans, naissance d’une nation chocolat de Gauz’, 2022, Srèlè éditions…c’est versé chez tous les bons libraires de Babi.
4Présents dans la moitié des États d’Afrique, les Peuls sont la plus grande ethnie panafricaine.
5Implantés depuis le dernier quart du 19e siècle sur les côtes ivoiriennes (Assinie et Grand-Bassam), on les appelle aussi les Apollos. Une légende raconte que c’est parce qu’ils sont beaux comme des Apollons, une autre dit que les marins portugais les ont rencontrés un jour de sainte Apolline.
Choisis celle que tu veux !