Cochon gratté, la vie sombre des métis dans la colonie : Candy Côte d’Ivoire raconte…
Dès 1880, des milliers d’enfants issus de relations entre colons et Africaines naissent dans les colonies d’Afrique-Occidentale française. Ces enfants, appelés “métis des colonies” ou pire, “bâtards de la République”, sont le plus souvent abandonnés par leur père, séparés du reste de la société et placés dans des orphelinats.
Trop noir pour papa, trop blanc pour maman… Si le métissage fait aujourd’hui partie intégrante de notre société, il n’en était pas de même durant la période coloniale.
Tout commence vraiment en 1903. Ernest Nestor Roume, gouverneur général d’Afrique-Occidentale française, met en place un système visant à regrouper les enfants mulâtres dans des espaces qui leur sont spécialement dédiés. Aux 4 coins de l’empire colonial français, ils sont traqués et placés dans des foyers. Le premier est créé à Ouagadougou, puis, en 1935, il est délocalisé à Bingerville, dans l’ancien palais du gouverneur de Côte d’Ivoire
L’admission au foyer est conditionnée par l’abandon du nom du père pour adopter, en guise de nom de famille, le prénom de leurs mères. L’administration coloniale établit même de nouveaux certificats de naissance sur lesquels on retrouve l’inscription “né (e) de père inconnu”, ce qui lui permet de ne pas octroyer la nationalité française aux jeunes métis.
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’administration coloniale n’est pas la seule à rejeter ces enfants. Certains peuples autochtones en font de même. C’est le cas, par exemple, des Abrons en Côte d’Ivoire. En raison d’un passé tumultueux avec les colons, cette ethnie refuse d’être liée de près ou de loin avec eux, car, comme dit l’expression, « un enfant unit deux familles à jamais ».
Les mères ayant eu un enfant avec un colon sont souvent obligées de quitter le village. Appelés “cochon gratté” ou “huile rouge”, les enfants sont alors élevés par leurs grands-parents, placés en foyers puis, à l’âge adulte, mariés entre eux afin qu’ils ne se mélangent ni aux noirs ni aux blancs. Chez les Baoulés, la situation est moins dramatique puisque les métis sont tolérés et intégrés dans la société.
En 1959, quand le président Houphouët-Boigny accède au pouvoir, il n’aborde pas la question des métis avec l’ancienne puissance coloniale. Il essaye cependant de réintégrer les mulâtres dans une société qui leur a toujours été hostile, peut-être parce que sa belle-mère, Marie Suzanne Brou, était elle-même métisse.
En avril 2019, le gouvernement belge a présenté ses excuses aux enfants métis nés dans les colonies et a promis de les aider à retrouver leur identité. Beaucoup d’Ivoiriens souhaitent aujourd’hui que la France s’inspire de son voisin et, en attendant, continuent de se battre pour leurs droits et leur reconnaissance.
Par Candy Côte d’Ivoire
Ig : candyciv
Fb : Candy Côte D’Ivoire
Site : candycotedivoire.over-blog.com
Publié en octobre 2023