Roland Boussou réinvente la kora
L’année prochaine, Roland Boussou fêtera ses «dix années de relation avec ce merveilleux instrument». Un instrument qui l’a choisi, selon ses propres mots, et auquel l’artiste ivoirien – l’un des seuls à pratiquer la kora en Côte d’Ivoire – apporte une belle plus-value.
Quand on lui demande comment il est venu à la kora, Roland Boussou N’Guessan, né à Abobo en 1994, répond : « Ce n’est pas moi qui ai choisi la kora, c’est la kora qui m’a choisi».
À la base en effet, alors étudiant à l’école de musique de l’INSAAC, il se destinait davantage au balafon, continuité naturelle du piano, dont il jouait déjà depuis plusieurs années. Mais lorsqu’il a voulu s’inscrire dans cette spécialité, il n’y avait plus une seule place de disponible.
La kora a donc d’abord été un choix par défaut ; une contrainte, et non une envie. Petit à petit cependant, il a fini par se laisser charmer par «la sonorité si particulière » de cet instrument… Et de fait : comment résister au chant envoûtant de cette harpe mandingue, « bois chantant» que la tradition griotique assimile à un médium surnaturel créé par les génies?
Un aspect mystique et spirituel qui a aussi plu au musicien. Et puis, la kora ne faisant pas partie du patrimoine culturel et musical ivoirien, il y a vu l’occasion de se démarquer, et a donc travaillé dur pour apprivoiser l’instrument, sous la houlette de son professeur Gilles Kouissoa, également membre du groupe Yakomin.
Sa première kora, reçue en 2014, est le fruit de beaucoup d’amour paternel, d’une collecte auprès d’amis pour rassembler l’argent et l’envoyer au Sénégal (où elle a été fabriquée dans l’atelier de l’abbaye de Keur Moussa, dont les moines sont les principaux artisans de la notoriété internationale de la kora), et du voyage d’une calebasse à cordes vers la terre d’Eburnie.
Très vite, Roland délaisse le répertoire mandingue pour se concentrer sur des compositions moins « orthodoxes» allant d’adaptations du Canon de Pachelbel à «Jésus que ma joie demeure » de Jean-Sébastien Bach et, pour les modernes, le grand standard du jazz « Take Five », « All of me » de John Legend, « Malaika », Fally Ipupa ou même « Enfant béni» de DJ Arafat.
Mais, tandis que ses amis – percussionnistes, guitaristes, balafonistes… – sont sollicités chaque week-end pour des concerts, lui, n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Qu’à cela ne tienne : il organisera son propre récital et se produira pour la première fois en février 2016, devant moins de cent personnes. «Je suis sorti de ce concert avec zéro franc, mais très fier de moi. C’était un premier pas vers quelque chose de grand ».
L’envol a lieu en décembre 2017 à la Rotonde des Arts, avec un premier concert de Noël à guichet fermé. Les interprétations du jeune musicien tirent des larmes au public.
Depuis, Roland et son modèle unique de kora à 25 cordes (fabriquée spécialement pour pouvoir couvrir l’ambitus du répertoire contemporain) n’ont pas chômé, collaborant notamment avec le rappeur franco-ivoirien Tehui, Nash, la slameuse Amee, «le maître de la parole » Bomou Mamadou… Des tournées et featurings qui le mènent un peu partout, du Gabon au Congo en passant par le Rwanda, le Sénégal, la France et l’Espagne…
Même si c’est en Côte d’Ivoire qu’il a fait la rencontre de sa vie : le Dieu vivant de la kora Toumani Diabaté, maître spirituel devenu un ami, avec lequel il s’est produit deux fois. En attendant 2023 et la sortie de son album, en cours de préparation, rendez-vous le 10 décembre au CERAP à Cocody pour découvrir le magicien ivoirien de la kora.
Fb : LaPuissance
Par E. Vermeil
Publié en décembre 2022