Ange-Deladier Manlan
Pour l’amour de la musique lyrique
«Je veux amener les gens à découvrir et apprécier la musique lyrique, et montrer que nous avons nous aussi notre place sur scène »
Expression artistique de tradition purement occidentale, la musique lyrique ne fait pas vraiment partie des mœurs ivoiriennes.
Pourtant, à l’instar du jazz qui a réussi à s’imposer progressivement, il semble que l’on assiste depuis quelques années à l’éclosion d’une scène dédiée, à mille lieues du coupé-décalé et des sons afrobeat qui font vibrer la capitale.
À titre d’exemple, la reprise version opéra de «Coup du marteau» par l’ensemble Bel Canto cumule aujourd’hui… 4,9 millions de vues sur Tik Tok.
Preuve qu’en passant par des chemins de traverse, la musique lyrique peut se frayer un chemin jusqu’au cœur des Ivoiriens. C’est le combat du ténor Ange-Deladier Manlan, que nous vous présentons aujourd’hui.
La musique, Ange est tombé dedans enfant. Comme de nombreux artistes ivoiriens, c’est par le biais de l’église qu’il s’initie aux joies du chant, officiant en tant que servant de messe dans la paroisse Jésus de Nazareth de Yamoussoukro.
En 2009, son BEPC en poche, l’adolescent «descend» à Abidjan où il vit chez un oncle, et intègre la chorale Saint-Camille de la paroisse de Niangon Sud. Son bac en poche, il entame sans trop de conviction un BTS IDA (informatique-développeur d’applications) et réalise rapidement que les sciences l’intéressent bien moins que l’art.
Contre toute attente, sa famille le soutient pleinement lorsqu’il annonce son intention de se consacrer à la musique, et en 2015, Ange entre à l’École supérieure de musique et de danse de l’INSAAC, se spécialisant en voix classique et piano moderne.
«C’était écrit », pourrait-on dire, puisque cette même année, par l’intermédiaire d’un ami, il fait une rencontre décisive : celle d’Abass Zein, dont les nombreuses casquettes (metteur en scène, auteur de pièces de théâtre, directeur d’artistes…) comptent aussi celle de révélateur de talents.
Tout en poursuivant sa formation, le jeune étudiant intègre la chorale d’Abass Zein et se familiarise avec la scène, des premières parties aux rôles de soliste : «Ravel by Africa» (2016), «Carmen de Bracodi » (2017), « Zazza’s Story » (2018), « De Bach à Armstrong» (2019), «Carmina Burana» (2023), « L’Avare» (2024)…
Ses souvenirs les plus marquants ?
Le 7 août 2023, lorsqu’il a interprété l’hymne national avec l’orchestre philharmonique des enfants d’Odienné au Palais de la Présidence de la République, pour le 63ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire… et le 17 avril 2024, lorsqu’il a eu l’occasion de présenter son propre spectacle (Récital by ADM) au Dycoco devant une salle comble et un public enthousiaste.
Enseignant aujourd’hui la musique au Conservatoire Saint-Viateur, cet artiste aux influences métissées (Luciano Pavarotti, Roberto Alagna, Bailly Spinto…), titulaire d’une licence professionnelle et d’un DESA de musique, continue de se produire à l’église et dans des récitals privés, tout en nourrissant une ferme ambition : imposer l’art lyrique dans le paysage musical ivoirien en l’adaptant au répertoire traditionnel local, et faire en sorte que les chanteurs lyriques n’aient plus à s’exiler à l’étranger pour se perfectionner et faire carrière.
Par E. Vermeil
Publié en juillet 2024