Les capsules historiques de Candy Côte d’Ivoire
Ce mois-ci, Marie-Noëlle du blog Candy Côte d’Ivoire vous parle de l’affaire du Sanwi, ce royaume qui souhaita devenir un état à part entière et réclama, en 1959, son indépendance vis-à-vis du reste de la Côte d’Ivoire. Retour sur une histoire qui a failli diviser le pays et détériorer nos relations diplomatiques avec le Ghana.
L’affaire du Sanwi
Le royaume du Sanwi est situé au sud-est de la Côte d’Ivoire, non loin du Ghana. Lors de la colonisation, les autochtones de ce royaume (les Agni et les Éhotilé) seront les premiers à signer des traités avec les Français (notamment celui de 1843) qui installeront des comptoirs, cultures et écoles dans cette zone.
En conséquence, le sud-est de la Côte d’Ivoire s’enrichira plus vite que le reste du pays et donnera à la Côte d’Ivoire ses premiers cadres, généralement fils de riches planteurs. Cette stabilité économique entrainera alors un sentiment d’autosuffisance dans le royaume du Sanwi et sera à la base, des années plus tard de la revendication du roi Amon N’douffou III.
En 1959, alors que Félix Houphouët-Boigny prépare l’indépendance du pays, le roi du Sanwi, Amon N’douffou III revendique l’indépendance de son royaume. Cependant pour que la demande du roi aboutisse, il faut que la France réitère le traité du 4 juillet 1843 devenu caduc à la fin de la colonisation.
Le 1er mars 1959, le roi Amon N’douffou III envoie donc à Paris deux représentants de sa cour, George Ehounou Bilé et Alphonse Ehounou Ekponon pour qu’ils transmettent sa demande à L’Élysée. À Paris, les deux émissaires contactent l’avocat Raymond de la Pradelle à qui ils confient leur affaire. Celui-ci rencontre alors le secrétaire général de la présidence de la République chargée aux affaires africaines et malgaches qui leur fait comprendre que cette affaire n’aboutira pas, car, le Général de Gaulle ne mettra pas en péril les précieuses relations qu’il entretient avec Félix Houphouët-Boigny, le nouveau dirigeant de la République autonome de Côte d’Ivoire.
Proclamation de la république indépendante du Sanwi
Malgré ces avertissements, le 3 mai 1959 à Aboisso, le roi Amon N’douffou III proclame la république indépendante du Sanwi. Félix Houphouët-Boigny lance alors un mandat contre les deux représentants, le roi et ses ministres pour atteinte à la sûreté de l’État.
À Paris, George et Alphonse Ehounou sont arrêtés, rapatriés à Abidjan et mis en prison avec le roi du Sanwi et ses ministres. Raymond de la Pradelle se rend immédiatement à Abidjan et apprend qu’un “gouvernement provisoire” avec à sa tête Ernest Attié, le beau-père de Georges Ehounou, a réussi à s’échapper et est à présent à Accra, au Ghana, sous la protection de Kwamé N’Krumah, l’ennemi juré d’Houphouët-Boigny.
Félix Houphouët-Boigny et Kwamé N’Krumah
De quoi envenimer encore plus la situation ! À Accra, les réfugiés politiques sont des invités de marque : ils sont bien logés, reçoivent des allocations et leurs enfants bénéficient d’une scolarité gratuite. Malheureusement, la situation est bien différente pour leurs confrères restés au pays. Le 2 mars 1960, le Juge rend sa décision : le roi, ses ministres et ses deux représentants sont condamnés à des peines allant de 5 à 10 ans de prison.
En 1961, l’affaire du Sanwi resurgit. Les prisonniers politiques sont finalement libérés et se rendent immédiatement au Ghana d’où ils soumettent leur requête à l’ONU et à la Cour Internationale de La Haye, mais, ces deux instances refusent de donner une suite à leur dossier.
La chute de N’Krumah
Le 24 février 1966, le président N’Krumah est renversé par un coup d’État. Cet évènement marque un tournant décisif dans l’affaire Sanwi : le nouveau gouvernement ghanéen soucieux de rétablir de bonnes relations avec son voisin ivoirien rapatrie tous les membres du camp Sanwi et leurs familles en Côte d’Ivoire. Ils seront ensuite mis en exil dans leurs villages respectifs.
Trois ans plus tard, les indépendantistes du Sanwi reviennent à la charge avec comme nouvel argument la guerre du Biafra. Ils réclament le soutien de Félix Houphouët-Boigny au même titre que les sécessionnistes du Biafra (voir BAAB#95), mais sans succès. La mort du roi Amon N’douffou III en 1979 met définitivement fin à cette histoire.
Actuel roi du Sanwi, Amon N_douffou V
Par Candy Côte d’Ivoire
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Publié en mars 2023