« Les masques tombent » : que l’art nous parle !
Quatrième volet des « Séquelles de la colonisation », mémoire d’exploration en actes sur les questions du patrimoine, de la spiritualité et du rituel en Afrique, le projet « Les masques tombent » est né de la rencontre entre le plasticien togolais Clay Apenouvon et le danseur, chorégraphe et performeur camerounais Zora Snake, après l’appel à candidatures du fonds « The Burden of memory », lancé en mai 2020 par le Goethe Institut.
Un spectacle transfrontalier, itinérant et modulable qui interroge le vide et les non-dits de l’histoire, à découvrir ce mois de juin à la Cocoteraie des Arts.
À chacune de nos blessures d’enfance, correspondrait un masque que l’on se crée pour dissimuler des comportements que l’on ne veut pas montrer, et que l’on endosse pour se protéger d’une souffrance trop vive. Ramenée à l’histoire des peuples africains, cette théorie bien connue du développement personnel fait plus que sens : de la blessure de la colonisation s’écoule encore aujourd’hui le sang du continent, son identité première diluée dans une multitude de cultures, avec tout ce que cela implique de perte de sens et de repères.
S’inscrivant dans la question très actuelle de la restitution des œuvres d’art africaines à leurs pays d’origine, « Les masques tombent » propose une interprétation plastique et chorégraphique du concept de réappropriation, qui part de l’objet matériel banalisé par la société de consommation occidentale pour s’ouvrir à une dimension spirituelle ancrée depuis des millénaires dans la culture africaine.
« L’œuvre plastique et la danse seront comme deux corps qui jouent ensemble, s’interpellent, s’entremêlent, se répondent pour dévoiler un autre regard », expliquent les artistes. « On verra un être qui bouge et essaie d’entrer en contact avec trois sculptures, effigies représentant symboliquement les êtres qui habitent ces-dites œuvres d’art africaines peuplant les musées du monde entier, en réalité des êtres-sujets déplacés de leur espace essentiel […] Les masques tombent, car par notre travail, doit se révéler leur véritable statut.
À la fois aux yeux de ceux qui les ont pillés sur notre continent comme des ‘’valeurs’’ à monétiser, et aux yeux de nos frères qui ont oublié la puissance de ces objets-sujets. Dès lors, il ne s’agit plus de ‘’masques’’ contemplés dans les musées au sens premier du terme, mais des non-dits de notre histoire commune […] En disparaissant, ces objets ont emporté avec eux leur histoire, mais aussi la trace de ce que les ancêtres conservent et lèguent aux générations futures ».
Pensé comme un rituel de réconciliation, « Les masques tombent », fruit d’un travail de recherche entamé depuis plusieurs années, pose la nécessité d’un geste artistique pour que le corps humain retrouve sa place dans le monde des machines, et que les Vivants dialoguent à nouveau sans le truchement de la technologie.
Du côté plastique, l’idée est de créer des fantômes inspirés des poupées vaudou Ewé du Togo et du Ghana, des masques Yoruba, des statues glélé du Bénin…
La scénographie, une installation monumentale composée de sculptures, de textes et de plastique, aura une dimension variable qui s’adaptera aux espaces accueillant le projet. La musique, à travers la flûte de Maddly Mendy Silva, incarnera le cérémonial, mais aussi le doute et le questionnement.
En partie improvisée, elle suivra les mouvements, les amplifiera. Le corps reste l’élément central. Tour à tour habité, démembré ou ondoyant au gré de transes et convulsions inspirées du rituel N’kounga au Cameroun et du Vaudou au Togo, il se fait métaphore de l’écartèlement entre l’identité profonde et les masques, puis de la guérison par la libération des ancêtres. « On les a arrachés de force, nous allons les réenraciner avec la puissance des corps, des esprits et des âmes-cœurs qui les incarnent ».
Que l’art nous parle !
La Cocoteraie des Arts
Face : Cocoteraie des arts
Face : Zora Snake
Site : zorasnake.com
Face : Clay Apenouvon
Site : clayapenouvon.com
Par E. Vermeil
Publié en juin 2021